C’est quand tu dors que je te les murmure. Mais quand tu te réveilles et que tu attends ces mots de ma bouche, ils ne viennent pas.
Je dis « je t’aime » seule devant mon téléphone quand ton nom s’affiche et que mon cœur saute dans ma poitrine en te lisant. J’écoute le son de ma voix prononcer cette phrase pour m’y habituer. Tu ne le sais pas mais j’ai essayé.
Depuis que tu m’as dit, en souriant : « Je ne comprends pas que tu écrives des histoires d’amour et que tu ne sois pas capable de dire je t’aime », j’ai essayé, pour toi, mille fois.
Tu as raison, ces mots sont coincés dans ma poitrine, à côté de mon cœur épuisé par les années avant toi. Je les ai conjugués au passé, longtemps. Pour le futur je ne sais toujours pas. Je vais me contenter d’essayer au présent.
Je veux te dire « je t’aime » avant que tu ne me quittes de ne pas l’entendre, avant que tu ne me manques, que tu ne partes, épuisé par ma froideur que ma seule présence ne suffit pas à démentir. Tu dis que je garde mes mots d’amour pour les lecteurs et pas pour toi.
Je vais essayer de te le dire sans la peur du « moi non plus », sans cette frayeur qui m’étouffe.
Dans nos deux vies il y a ces mots que nous avons tellement dit à d’autres, tellement entendus, que nous avons cru tout perdre quand cela s’est arrêté. Pour continuer à y croire il a fallu être fort, ne plus se sentir perdre pied devant les sentiments, être plus solide que nos émotions. Quand j’ai recommencé à trembler, j’ai appris à dissimuler, à fuir si besoin, à contrôler celui qui m’aime pour ne pas faiblir. Toi au contraire, tu as accueilli la chaleur de te sentir vivant à nouveau, tu l’as transmise, tu m’en as fait cadeau, comme pour me remercier de t’avoir sorti de la torpeur.
On demande souvent des preuves en amour, toi tu préférerais des mots. Pour continuer tu as besoin de m’entendre, mais tu n’as que mon silence et mes déclarations muettes.
Tu ne demandes rien mais je sens que tu voudrais plus, quand ma présence ne suffit pas. Au lieu de dire : « Est-ce que tu m’aimes ? », tu demandes : « Pourquoi es-tu là ? ».
Pour toutes les fois où je n’ai pas répondu ou juste par un baiser, je vais essayer de le faire.
Je suis là pour toi comme je ne le suis pour personne, pour celui que tu es avec moi. Parce que tes yeux se ferment un peu quand tu souris, que ta voix descend d’une octave quand tu me parles, que tes mains ne sont jamais loin des miennes quand je les cherche, et qu’il y a, au creux de ton épaule, un espace pour que je m’y repose quand tu m’ouvres les bras. Depuis le premier jour, j’ai l’impression d’y avoir trouvé ma place.
Parce que ton parfum traine sur l’oreiller quand tu pars en voyage. Je n’ai pas besoin d’enfouir mon visage dans les draps pour te retrouver. Il me suffit de ton absence, de chercher le sommeil, et l’air semble se déplacer pour m’apporter cette mémoire de toi et me rappeler ta place. Je te soupçonne de semer des traces de toi un peu partout dans mon quotidien comme dans ma vie. Il y a tes cadeaux qui sont toujours des souvenirs de notre histoire, les photos que tu sèmes dans tes messages, les notes que j’entends partout.
Je suis là parce que tu n’abandonnes jamais. Tu n’as pas cédé sur la tendresse, tu n’as jamais cessé d’être doux quand j’étais une montagne de glace. Tu m’appelais « l’iceberg» et tu riais. Puis j’ai fondu, doucement.
Tu m’as prouvé que la douleur n’est pas seule façon de se sentir vivant. Tu n’as pas capitulé devant mes fuites. Tu as compris que dès que tu passes la porte, je me prépare à ce que tu ne reviennes pas. Mais tu reviens prendre la place que tu n’as en fait jamais quittée. Tu ne pars jamais, et le bonheur est avec toi, évident, presque violent.
Tu ne joues pas avec moi quand tu me vois remettre ma carapace. Tu me laisses me cacher pour me protéger, puis tu viens me chercher.
Tu m’agaces quand tu ne te laisses pas prendre à mon impatience en ne répondant pas à mes messages. Tu me prives d’air quand tu te tais, quand tu vis sans moi je respire mal. Je t’énerve à toujours vouloir avoir le dernier mot. Je tremble un jour de ne plus te lire. Si tu me reproches parfois de ne pas avoir de mots d’amour pour toi, c’est que je suis muette devant les tiens. Un « moi aussi » serait tellement insuffisant pour te répondre.
Tu n’aimes pas quand je passe des heures à écrire pour les autres. Je parle d’amour quand cela déborde et que je ne peux pas te le dire.
Je suis là parce qu’à chaque fois tu viens me chercher, pour me sortir des remparts derrière lesquels je me réfugie quand la peur revient. Contre le manque je joue l’indifférence. Tu dois m’amadouer pour que je redevienne tendre. Cela doit être épuisant d’aimer quelqu’un qui a peur de vous aimer. Devoir toujours rassurer, ne jamais douter pour que l’autre s’épanouisse dans votre regard.
Tu fais tout cela, chaque jour.
Je te vois quand tu bouillonnes, quand tu veux taper du poing sur la table pour que j’arrête de reculer, pour que je cesse d’être solitaire, par peur de dépendre de quiconque.
Tu me laisses me battre contre des murs jusqu’au moment où tu as peur pour moi. Quand je tombe malade, tu ne me laisses plus faire. Quand j’ai mal de n’écouter que ma tête et pas mon corps, tu me soignes de force, et tu m’aimes plus fort malgré moi.
Voilà pourquoi je suis là, pourquoi je t’aime, sans le dire à voix haute.
Je t’ai choisi parce que tu n’as pas besoin de moi, et je t’ai fait croire que je n’avais besoin de personne.
Aujourd’hui je voudrais parler parce que je ne sais plus comment le prouver. Tu sais que quoi que tu fasses je serai là, que c’est ma façon de tout te pardonner par avance, mais ça ne suffit pas. Il n’y a rien à pardonner. Tu es droit, et sur ta ligne, tu ne lâches jamais ma main.
Je raconte des histoires de rencontres manquées, d’amours qui s’arrêtent, je parle du manque et de l’absence. Tu es d’un autre monde que celui-ci. Tu as apporté la lumière qui manquait à mon imagination. Je n’ai pas encore fini d’avoir peur, mais si « je t’aime » veut dire tout de suite, et pas toujours, je vais te le dire, maintenant, sans attendre demain.
Ma plus grande peur est de te perdre, sans avoir pu te dire ces mots, et c’est pourtant cette même peur qui m’en empêche.
Dans une minute je poserai mon stylo, tu ne seras pas loin, tu liras mon regard avant ces mots, et tu ne briseras pas le silence pendant que je rassemblerai mon courage pour te dire : je t’aime.
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